" Zofia,
Je te regarde dormir et Dieu que tu es belle. Tu te retournes dans cette dernière nuit où tu frissonnes, je te serre contre moi, je pose mon manteau sur toi, j'aurais voulu pouvoir en mettre un sur tous tes hivers. Tes traits sont tranquilles, je caresse ta joue, et, pour la première fois de mon existence, je suis triste et heureux à la fois.
C'est la fin de notre moment, le début d'un souvenir qui durera pour moi l'éternité. Il y avait en chacun de nous tant d'accompli et tant d'inachevé quand nous étions réunis.
Je partirai au lever du jour, je m'éloignerai pas à pas, pour profiter encore de chaque seconde de toi, jusqu'à l'ultime instant. Je disparaîtrai derrière cet arbre pour me rendre à la raison du pire. En les laissant m'abattre, nous sonnerons la victoire des tiens et ils te pardonneront, quelles que soient les offenses. Rentre, mon amour, retourne dans cette maison qui est la tienne et qui te va si bien. J'aurais voulu toucher les murs de ta demeure à l'odeur du sel, voir de tes fenêtres les matins qui se lèvent sur des horizons que je ne connais pas, mais dont je sais qu'ils sont les tiens. Tu as réussi l'impossible, tu as changé une partie de moi. Je voudrais désormais que ton corps me recouvre et ne plus jamais voir la lumière du monde autrement que par le prisme de tes yeux.
Là où tu n'existes pas, je n'existe plus. Nos mains ensemble en inventaient une à dix doigts; la tienne en se posant sur moi devenait mienne, si justement que, lorsque tes yeux se fermaient, je m'endormais.
Ne sois pas triste, personne ne pourra voler nos souvenirs. Il me suffit désormais de fermer mes paupières pour te voir, cesser de respirer pour sentir ton odeur, me mettre face au vent pour deviner ton souffle. Alors écoute: où que je sois, je devinerai tes éclats de rire, je verrai les sourires dans tes yeux, j'entendrai les éclats de ta voix. Savoir simplement que tu es là, quelque part sur cette terre sera, dans mon enfer, mon petit coin de paradis.
Tu es mon Bachert,
Je t'aime
Lucas "
(Marc Lévy, Sept jours pour une éternité)
Cette lettre n’a fait que renforcé mon amour envers ce roman de Marc Lévy. Sept jours pour une éternité ou le combat entre Dieu et le Diable sur terre. Le thème est récurent mais la rencontre entre cet ange et ce démon apporte un nouveau dynamisme. Lucas est froid, prêt à tout pour raviver la souffrance dans les yeux des hommes qu’il rencontre. Quant à Zofia, elle incarne l’ange parfait, désireuse de soulager les peines de tous. Alors, lorsqu’ils se rencontrent sans savoir qui ils sont, ils se heurtent à leur véritable opposé. Ce roman a ce quelque chose de particulier qui permet au lecteur de se lier aux personnages et ainsi de les voir évoluer l’un et l’un mais surtout l’un avec l’autre.
Mon cœur d’artichaut n’a pu que fondre devant la légende utilisée par Marc Lévy dans ce roman : le bachert (ou bashert). Suivant son étymologie, le Bashert signifie « destin ». Il apparaît dans le Talmud, qui est le texte fondateur de la religion juive. Il y est dit que 46 jours avant la naissance d’un enfant, Dieu fait entendre sa voix et désigne la personne qui sera considérée comme son âme sœur.
Les mythes liés aux âmes soeurs sont très nombreux et sont apparus très tôt dans la littérature puisqu’on peut trouver des légendes dans les œuvres de Platon par exemple. Dans son œuvre Le Banquet, Platon énonce sa théorie des âmes sœurs selon laquelle les hommes étaient tous androgynes au début de leurs existences. Ils avaient chacun 2 têtes, 4 mains et 4 jambes, vous l’aurez compris, ils avaient tout en double. Cependant, ils voulurent attaquer les Dieux, et ces derniers, pour les punir, décidèrent de les séparer et donc de les couper en deux pour qu’ils passent leurs vies à chercher leurs parties manquantes. La seule marque qu’ils ont de cette ancienne vie est leur nombril, qui marque l’endroit où Apollon a attaché leur peau pour qu’ils aient de nouveau une apparence humaine, malgré leur manque.
Je ne peux que ressentir beaucoup d’expectative face à ces mythes. Peut-être parce qu’ils m’incitent à croire que quelqu’un m’attend quelque part ou peut-être parce qu’ils me font juste imaginer un amour presque utopique. Quelque soit la vérité, s’il y en a une, je ne tiens pas à la connaître. Ce qui donne de l’importance à ces légendes n’est pas la grande part de vérité qu’elles évoquent mais plutôt la place qu’elles autorisent à l’imagination et à l’espoir. Et de ce point de vue, je ne peux qu’être reconnaissante de leur existence.
En espérant trouver un jour mon Bashert,
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